
François Pratte
Martin Richer est assurément un homme de terrain. Il aime le contact des gens d’affaires et se sent privilégié de pouvoir faire partie intégrante d’un écosystème d’affaires très important en Outaouais. L’être humain, avec son enclin à construire, à se projeter et à réaliser ses rêves, explique sans doute pourquoi le sujet de notre portrait de leader occupe le poste de directeur d’un centre Desjardins Entreprises. La créativité des entrepreneurs l’interpelle et donne un sens à son travail. Elle provoque une synergie entre plusieurs personnes, et débouche sur des résultats.
Comme un entraîneur de hockey, Martin Richer s’assure que tous les membres de son équipe jouent au meilleur de leurs talents et avec le maximum de ressources qui leur sont disponibles. Une communication franche avec chacun d’eux leur permet, autant qu’à lui-même, d’obtenir un portrait juste des différents dossiers et d’apporter des correctifs, de faire jaillir des idées ou de faire appel à des collègues au besoin. Stéphane Labine, le directeur général de la Caisse des Rivières de Pontiac, dit de lui : « Martin a une grande écoute et il est très pragmatique. Il est proche de ses ressources. »
En fait, un mot pourrait le qualifier : authentique. Il a un franc-parler — il décrit les choses telles qu’elles sont — tout en respectant la personne devant lui. Une qualité essentielle pour être soi-même respecté.
Un jour, lors d’un tête-à-tête avec l’un de ses gestionnaires à qui il demandait d’améliorer un aspect de son travail, ce dernier lui a demandé : « Pourquoi es-tu le premier à me le dire ? » Martin lui a répondu : « Probablement pour la même raison que toi-même tu ne dis pas les vraies affaires à tes employés, et c’est ce qui fait que ça marche plus ou moins. C’est dur de dire la vérité, mais il le faut. Ça fait partie de ton travail de gestionnaire et du mien. »
Cela a constitué un défi à relever pour le gestionnaire en question, mais il a réussi « haut la main », selon Martin Richer, qui ajoute : « Parfois, quand on leur décrit les choses telles qu’elles sont, les gens réagissent plus ou moins bien, mais la plupart du temps, ils l’apprécient, même si ce n’est pas toujours agréable à entendre. Ils savent à quoi s’en tenir. »
Nouvelle structure organisationnelle
Dès son entrée en fonction au CDE Outaouais il y a trois ans, Martin Richer s’est vu confier la mission d’élaborer et de mettre en place une nouvelle structure organisationnelle. Il est facile d’imaginer, sachant que tout changement à l’intérieur d’une organisation peut déstabiliser le personnel, qu’il a dû gérer les impacts de cette restructuration sur les ressources humaines. C’était plus qu’une modification : il s’agissait en fait d’un changement de la vision et de la culture sur le plan du développement des affaires et de la relation avec les membres.
Aujourd’hui, la majorité des employés et des gestionnaires présents lors de son arrivée en poste en mars 2018 le sont encore, même si des ajustements ont dû être apportés à certaines de leurs approches : « Des gestionnaires qui avaient pris certains plis dans le passé ont corrigé le tir, se démarquent et me rendent fier de notre organisation », nous dit Martin Richer.
Les conséquences mesurables de cette restructuration ont été manifestes dans les mois suivants : l’indice de satisfaction des membres a augmenté fortement, tout comme la mobilisation des employés. Son plan d’affaires, ainsi que le rehaussement de la rigueur en matière de gestion des risques, des pratiques et des normes, a débouché sur un dépassement important de l’ensemble des cibles.
Nous sommes en mars 2021. Malgré une année de pandémie qui a de nouveau bouleversé une organisation qui venait de prendre une bonne vitesse de croisière, Martin Richer est heureux que le CDE Outaouais continue de jouer un rôle important dans la région qu’il dessert : « Je dis toujours à ma gang : on fait du service aux membres, on est là pour aider les entreprises. Pour ça, on doit connaître leurs besoins et savoir ce qu’on est capables de leur donner. »
D’où vient cette qualité de bien saisir les besoins des entrepreneurs ? Lorsqu’on lui pose la question, il répond que lorsqu’il était étudiant à l’université, il travaillait dans des restaurants haut de gamme. Cela lui a permis de prendre conscience de l’importance des détails : « Les clients étaient très sensibles aux petites attentions, aux petits “plus” dans le service. Je ne l’ai jamais oublié. »
La pandémie
Un très grand nombre d’entreprises ont souffert des mesures sanitaires adoptées à la suite de l’arrivée de la pandémie. Certains secteurs s’en sont mieux tirés que d’autres, et quelques-uns parmi eux ont même vécu une croissance surprenante. Dans la région que dessert le CDE Outaouais, caractérisée entre autres par sa proximité de la capitale du pays et par la présence d’entreprises qui font affaire avec le gouvernement fédéral, la dernière année a-t-elle été difficile pour l’organisation, pour son personnel ?
Paradoxalement, le taux de délinquance a été plus bas que par les années passées, voire à un niveau que le CDE n’avait pas vu depuis plus d’une dizaine d’années. Le phénomène est surprenant, et étonne Martin Richer lui-même, mais cela s’explique fort probablement, selon lui, par les interventions gouvernementales dans l’économie : « Le gouvernement a inondé les marchés de liquidités. Il faut aussi dire que la population de l’Outaouais comprend un très grand nombre de fonctionnaires qui reçoivent un salaire stable, même en temps de crise. L’économie est encore très forte dans notre région. »
Par contre, souligne-t-il, des secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie et la restauration ont beaucoup souffert depuis un an, comme partout ailleurs sur la planète.
Le rôle qu’il s’est vu jouer, particulièrement au début de la pandémie, a été de rassurer les gens, tant les gestionnaires et employés, que les membres et clients. Après tout, le CDE n’allait pas disparaître. Il continuerait ses activités, même si le télétravail devenait le quotidien de la majorité du personnel et des membres, pendant une période dont la durée était indéterminée. Dans les circonstances, il s’attendait à des retards de paiement : « Ça nous aurait donné quoi d’agir cavalièrement et d’exiger l’impossible de la part d’un membre qui voyait son entreprise fragilisée ? On était mieux d’être patients et de l’aider à s’en sortir. »
La pandémie a ébranlé des entreprises qui, encore en février 2020, allaient très bien, mais elle a eu un effet délétère sur celles qui éprouvaient déjà des difficultés, notamment dans le secteur du commerce de détail. « Les habitudes des consommateurs vont changer, et il est très difficile, aujourd’hui, de prévoir la sortie de la crise. De plus, on ne sait pas ce qui va arriver quand le gouvernement va commencer à se retirer. Bien malins ceux qui peuvent prédire l’avenir de l’économie avec certitude », affirme Martin Richer.
Tout va bien !
Chose certaine, même si les douze premiers mois de la pandémie ont été éprouvants pour tous, y compris pour les organisations comme les centres Desjardins Entreprises, qui ont dû revoir leurs plans, la catastrophe n’a pas eu lieu. Martin Richer et son équipe de gestionnaires ont réagi promptement, notamment en agissant comme facilitateurs auprès des membres pour les aider à passer à travers l’épreuve de la crise et en leur simplifiant la compréhension et l’accès à certains programmes mis à leur disposition par les gouvernements.
Une situation stressante
L’aspect le plus difficile de la crise, aux yeux de Martin Richer, a été le stress vécu par toute l’équipe du CDE. Il fallait le gérer, apprendre à composer avec l’insécurité, les tensions et les questions des employés auxquelles les réponses n’étaient pas toujours faciles à trouver. Travaillant à domicile, ils étaient aussi aux prises avec des enjeux d’ordre personnel ou familial.
Surtout, les gestionnaires et les conseillers, en contact direct et quotidien avec des membres qui étaient eux-mêmes stressés et insécurisés par un monde en plein chambardement, devaient être capables de répondre aux questions de ces personnes qui voyaient leurs entreprises ébranlées par une situation sur laquelle elles n’avaient aucun contrôle.
« Avant la crise, un directeur de comptes avait une ou deux de ses entreprises en difficulté dans l’année. Dans les premiers mois de la crise, il pouvait recevoir des dizaines d’appels par semaine de membres dont les entreprises souffraient. Certains d’entre eux étaient au bord de la panique et se demandaient comment ils allaient survivre sans contrats, sans clients, sans liquidités. »
Le CDE s’est donc vu jouer un rôle clé, depuis un an, non seulement dans le développement d’entreprises, mais dans leur survie.
Il y a eu une première vague au printemps, puis une deuxième à l’automne, qui a duré tout l’hiver. Entre les deux, avec la bouffée d’oxygène estivale et le déconfinement temporaire, le CDE est passé d’un mode réactif à un mode de soutien et d’encouragement.
La communication
Tout au long de ces douze mois, Martin Richer tenait à ce que les liens ne soient jamais rompus au sein de l’organisation. Il était donc essentiel de tenir des rencontres, même si elles étaient virtuelles, avec tous les membres du personnel. « Les premiers mois de la pandémie, les gestionnaires rencontraient leurs équipes quotidiennement avec Teams. Ils échangeaient aussi beaucoup de courriels. Quant aux trois principaux gestionnaires, ils se réunissaient chaque matin pour se tenir au courant des nouveautés. Une communication constante et régulière a été au cœur de la réussite de l’organisation. »
Martin Richer prône la communication directe, qu’il préfère nettement aux échanges de messages. Selon lui, les courriels, qui ont pris une place grandissante dans nos vies, devraient être remplacés plus souvent par des séances de visiophonie. En effet, Teams ou d’autres applications ont l’avantage de permettre d’établir une communication rapidement, en plus de s’assurer que les messages soient bien compris. Et cela est vrai aussi pour les rendez-vous avec les membres. Au début, ceux-là étaient un peu réfractaires, mais aujourd’hui, la visioconférence est passée dans les habitudes, comme le téléphone l’a été au vingtième siècle. Qui a le temps de rédiger de longs textes explicatifs, surtout s’ils portent à confusion ou à une mauvaise interprétation ?
Un accélérateur nommé pandémie
La pandémie a entraîné de lourdes conséquences sur la planète entière. Toutefois, l’épreuve nous a tous obligés à être créatifs et à modifier nos habitudes. De plus, elle nous a permis d’apprendre. C’est le cas d’organisations comme le CDE Outaouais. Lorsqu’on lui demande de faire valoir les aspects positifs de la crise sanitaire, son directeur répond spontanément : « Avec le télétravail, plus personne n’arrive en retard au bureau à cause d’une tempête de neige ou pour une autre raison. À bien des égards, nous nous faisons plus confiance. »
Il conclut sur ces mots : « Nos gens ont réorganisé leur vie pour être encore plus efficaces qu’avant, et les gestionnaires sont moins en contrôle de l’emploi du temps de leurs employés. Je crois que la pandémie nous a tous permis d’optimiser nos ressources et de revoir certaines priorités. »
Qui est Martin Richer ?
Martin Richer œuvre au centre Desjardins Entreprises Outaouais depuis 2004, et il en est le directeur depuis mars 2018. Il y a occupé notamment les postes de directeur de comptes sénior, de directeur principal marché immobilier et agricole, et de directeur développement des affaires. Il est entré chez Desjardins comme agent, Services aux membres, à la Caisse populaire Notre-Dame-des-Victoires (Montréal), en 1994. Au cours de sa carrière de plus de vingt-cinq ans, il a fait de courts sauts à Exportation et Développement Canada ainsi qu’à la Banque de développement du Canada, deux postes qui ont enrichi un bagage d’expériences dont profitent aujourd’hui le personnel et les membres du CDE.