Édition #68

Décembre 2024

François Pratte

Lorsque nous entendons quelqu’un prononcer son nom, le premier mot qui nous vient à l’esprit est celui-ci : humain. Car l’humain, plus que tout, semble avoir été la source des réflexions et le moteur des actions de cet homme depuis le début de sa carrière chez Desjardins. Cet homme, c’est Johnny Roy, l’ancien président de l’ADGC.

Depuis cinq ans, Johnny est le directeur général de la Caisse Desjardins de l’Éducation. Le siège social de l’organisation est à Montréal, mais elle dessert l’ensemble du territoire. Avant la pandémie, le DG avait l’habitude de parcourir le Québec afin de rencontrer ses équipes en personne. Ses déplacements sont maintenant plus rares, voire quasi inexistants, mais ses rencontres virtuelles se multiplient avec le milieu de l’éducation, là où des humains laissent leur empreinte sur le destin d’autres humains.

Au cours de la longue conversation que nous avons eue en visiophonie au début du mois de décembre, il me disait qu’il admire et respecte profondément tous ces gens qui se donnent entièrement dans leur travail, qui est aussi une vocation.

Voici un compte rendu de notre entretien.

À l’ADGC

Son passage à l’ADGC a certainement été l’un des éléments les plus marquants de sa carrière, me dit-il d’emblée. En effet, toutes les années qu’il a passées à l’Association — d’abord comme administrateur représentant la région de la Mauricie, puis à la présidence du conseil — lui ont apporté beaucoup et sur divers plans : l’expérience du leadership, un réseau de contacts « qui s’est multiplié par 100 », la confiance, l’agilité, le sens politique… Mais il précise : « Je suis politique dans le bon sens du mot. J’ai une écoute plus attentive qu’avant. Les connaissances que j’ai acquises au contact de mes collègues m’ont donné l’énergie qui me permet aujourd’hui d’aller plus loin. »

Il continue de croire en la nécessité d’une association comme l’ADGC, mais lorsqu’il observe ce qu’est devenu Desjardins, une organisation à laquelle il demeure très attaché, il lui arrive de se demander si le rôle de directeur général sera le même à l’avenir, et même si la profession continuera d’exister sous sa forme actuelle : « Je ne suis pas sûr que les prochains DG feront carrière pendant dix ou quinze ans. Je crois même qu’elle pourrait changer au point de disparaître. C’est ma perception, parce que tout le mouvement de centralisation, d’uniformisation, fait en sorte qu’un DG peut se demander : à quoi je sers aujourd’hui ? De plus en plus d’initiatives sont prises sans que des caisses directement concernées soient consultées. »

Le pédagogue

Johnny constate aussi un autre changement notable en lui-même. S’il a l’impression qu’il prenait beaucoup de place autrefois, il se réjouit aujourd’hui de voir ses gestionnaires occuper tout l’espace dont ils ont besoin pour s’améliorer et faire valoir leurs compétences. Il prend plaisir à les « aider à se développer ».

À l’une ou à l’autre qui doit composer avec une difficulté, il dira : « Tu as un apprentissage incroyable à faire dans cette situation-là, et je vais t’aider à relever le défi. Je vais t’accompagner, mais c’est toi qui seras aux commandes. »

Le DG de la Caisse de l’Éducation, pédagogue, est tout à fait dans son élément.

Au cours de l’entretien, trois mots reviendront à quelques reprises : confiance, erreur, indulgence. Il fait confiance à ses collègues, car il sait que, comme lui-même, ils peuvent commettre des erreurs, et si elles se produisent, il se montre indulgent.

Le programme Direction

Desjardins a offert à Johnny une formation dont l’impact a été considérable dans sa carrière : le programme Direction. D’une durée de trois ans, ce cours en plusieurs volets lui a permis entre autres de tirer profit des traits qui lui sont propres plutôt que de les ignorer ou de les refouler.

Après tout, ce qui distingue tout leader d’un autre leader est sa personnalité, avec tout ce qu’elle comporte. Les compétences du DG dépassent largement les connaissances qu’il a acquises au cégep ou à l’université. Elles reposent aussi sur sa manière d’agir et de communiquer avec les personnes qui travaillent sous sa gouverne.

La Caisse Desjardins de l’Éducation

De nombreux défis l’attendaient à la Caisse de l’Éducation il y a cinq ans : rentabilité, réseau de distribution, mobilisation, performance, développement… « Quand je suis arrivé ici, dit-il, j’ai fermé six points de service et j’en ai déménagé quatre. J’ai géré en même temps quatre syndicats dans la même boîte. De plus, nous avons réalisé trois projets de regroupement. Et tout ça est réglé. » Aujourd’hui, il peut être fier de ce qu’est devenue son organisation.

Tout de suite après notre rencontre, Johnny allait s’adresser à 2000 délégués de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) pour leur parler de la Caisse de l’Éducation. Il m’explique la raison de sa présence : « Au début de l’année, nous avons réalisé un sondage auprès des gens qui gravitent autour du milieu de l’éducation, et trois priorités imminentes en sont ressorties : la performance scolaire, la valorisation de la profession et la détresse psychologique chez les enseignants. »

Lors de cette assemblée, Johnny n’allait pas livrer de discours, mais plutôt passer le micro aux personnes du milieu qui l’accompagnaient à la table et avec qui il travaillait depuis un an pour trouver des pistes de réflexion et de solution pour ces trois enjeux qui, précise-t-il, dominent le monde de l’éducation. La réalisation de ce projet, qui a commencé peu avant le début de la pandémie, a nourri toute la fierté qu’il éprouve à l’égard des personnes qui l’entourent à la Caisse de l’Éducation.

Il sait que le succès de l’organisation repose en partie sur son leadership, mais il est surtout convaincu que son leadership repose sur la confiance qu’il donne à ceux et celles qui travaillent avec lui. Il n’a pas toujours été « l’homme d’équipe » qu’il est aujourd’hui. Il a appris à le devenir. Il est le premier à dire qu’il a beaucoup évolué avec le temps. L’élément clé, le déclencheur de cette transformation chez lui, c’est sans doute, me dit-il, cette prise de conscience : il n’a plus besoin, contrairement à ses débuts, de la reconnaissance des autres pour s’accomplir. Il se concentre plutôt sur les bons coups ; leur réalisation est en soi la reconnaissance qu’il a bien fait.

Les pièges du parcours

Je lui demande si des pièges se sont présentés sur son parcours et, par extension, sur le parcours type des DG. Je n’ai pas encore terminé ma phrase qu’il me répond « oui » en m’entendant prononcer le mot « pièges ». Il revient alors au besoin de reconnaissance : c’est un piège pour celui qui doit prendre des décisions qui concernent d’autres personnes que lui-même. « Parfois, dit-il, je n’ai pas pris les meilleures décisions parce que je craignais de déplaire. Mais on n’a pas toujours le choix quand on dirige une organisation. »

Johnny Roy, le DG, a appris que tout leader n’est pas là pour être aimé pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il fait, même si parfois il risque de heurter des sensibilités. Ce qu’il a constaté aussi, depuis cinq ans, alors qu’il a dû prendre les rênes d’une transformation majeure de son organisation — il a donc, sans aucun doute, contrarié un certain nombre de gens —, c’est le respect que les personnes avec qui il travaille, qu’il côtoie, lui vouent au quotidien.

Et toutes ces personnes qui travaillent avec lui le respectent sans doute, ai-je envie d’écrire, parce qu’il leur communique son respect et sa reconnaissance. Sans hésiter.

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