
François Pratte
Le 21 septembre dernier, la Caisse Desjardins de Mékinac–Des Chenaux a annoncé la fermeture définitive de cinq de ses onze centres de services. Ces centres étaient déjà fermés depuis mars en raison de la pandémie, mais la nouvelle de leur disparition permanente, communiquée dans tous les médias de la Mauricie, était importante, même si plusieurs la voyaient venir. Quelques jours plus tard, nous nous sommes entretenus avec son directeur général, Charles Massicotte-Bourbeau.
Le territoire de la Caisse de Mékinac–Des Chenaux s’étend de Sainte-Anne-de-la-Pérade jusqu’au Parc national de la Mauricie. Un trajet moyen de quarante à cinquante kilomètres sépare ses six centres de services actuels, situés à Saint-Tite (siège social), Sainte-Thècle, Saint-Narcisse, Saint-Maurice, Champlain et Sainte-Anne-de-la-Pérade. Selon son DG, tous ses membres locaux habitent à moins de quinze kilomètres d’une adresse physique de la caisse.
L’annonce du projet de fermeture de cinq centres de services devait être faite en avril dernier, dans le cadre de l’assemblée générale annuelle des membres, et leur fermeture officielle devait avoir lieu en juin. Comme ils étaient déjà fermés depuis mars, que leurs employés étaient maintenant affectés à d’autres postes au sein de la caisse et que plusieurs ordinateurs étaient devenus désuets, l’opportunité d’aller de l’avant avec la décision au début de l’automne ne soulevait plus aucun doute.
« L’objectif était de trouver la façon de l’amener avec le plus de transparence possible, nous dit-il. Nous avons donc rencontré les maires des municipalités concernées afin de leur communiquer notre décision. Ils ont bien réagi lorsque nous leur avons expliqué, par exemple, que la baisse importante de l’achalandage, avec un personnel réduit au minimum, entraînait des enjeux de sécurité, tant pour nos membres que pour nos employés sur place. »
Et il ajoute un élément non négligeable dans le contexte actuel, un contexte qui risque d’ailleurs de se prolonger durant des mois : « Aujourd’hui, même si on souhaitait garder les centres de services ouverts, ce serait impossible parce qu’on ne pourrait pas laisser un employé seul sur place devant des personnes masquées. »
Nombre d’employés limité
Avant la crise sanitaire, la Caisse de Mékinac–Des Chenaux devait composer avec une pénurie de la main-d’œuvre ; le recrutement était devenu un véritable enjeu. Des employés se relayaient pour assurer une présence dans l’un ou l’autre des centres de services aujourd’hui fermés. Aucun d’entre eux n’y était sur une base permanente, et personne ne s’y rendait vraiment de gaieté de cœur, s’y présentant plutôt par devoir et pour faire acte de présence auprès de la minorité de membres qui se déplaçaient en personne pour effectuer des transactions.
Quand certaines employées se confiaient au DG en lui disant qu’elles ne se sentaient pas en sécurité et que souvent, le soir, elles appelaient leurs conjoints pour leur tenir compagnie entre la caisse et leur voiture, il a éprouvé un profond malaise : « On ne pouvait pas continuer comme ça. » Et il ajoute : « Les gens souhaitent qu’on permette des choses tant et si longtemps qu’il n’arrive rien, mais s’il arrive quoi que ce soit, ils seront les premiers à nous reprocher d’avoir été irresponsables. »
L’équipe s’était préparée avant la pandémie
Un plan de match, avec accompagnement des membres, avait été établi bien avant la pandémie. On avait alors dressé la liste des 580 membres prioritaires (sur les 26 000) qui se rendaient régulièrement ou occasionnellement dans les centres de services visés par les fermetures pour effectuer des transactions. Un comité interne avait été créé, et les employés avaient participé activement à mettre en place une stratégie qui reposait sur le contact individuel des membres. Des questions comme « Qui doit-on appeler en premier ? » ou « Qu’est-ce qu’on devrait leur proposer ? » avaient été discutées, entraînant d’autres questions et de nombreuses suggestions. Tout cela dans le but de répondre adéquatement aux différents besoins qui s’exprimeraient éventuellement lors des contacts, et de présenter aux membres visés les solutions proposées par la caisse. Au total, plus de 2 500 membres ont été accompagnés individuellement.
Lorsque la COVID-19 a entraîné la fermeture précipitée des centres à la fin de l’hiver, le personnel était donc prêt. Tous les membres ont reçu un appel et ont été accompagnés. Charles Massicotte-Bourbeau : « Ils ont senti que nos employés étaient proactifs et qu’ils se préoccupaient beaucoup de leur santé, et qu’ils désiraient avant tout leur éviter les déplacements à gauche et à droite afin que tout puisse se faire à distance. »
Une nouvelle approche
Selon le directeur général, même si plus de 97 % des transactions ne se font plus au comptoir, il importe d’être prévenant et de bien s’occuper des membres qui préfèrent un contact en personne, comme on le faisait tous avant l’ère de l’internet et des guichets automatiques. Le fait qu’on se soit bien occupé de ces gens-là a beaucoup contribué à l’acceptabilité sociale de la fermeture des centres de services : « Lorsque les maires ont vu tout ce que nous avons fait pour accompagner les membres, ils nous ont appuyés. Ils savaient que les fermetures étaient inévitables. »
Des membres hors territoire
Particularité de la Caisse de Mékinac-Des Chenaux : 40 % de ses membres n’habitent pas sur le territoire qu’elle dessert. L’amélioration des équipements et des méthodes afin de privilégier l’entrevue virtuelle était donc un élément fondamental du plan d’action adopté en janvier 2020. « On avait fait une vidéo promotionnelle afin d’expliquer aux membres son fonctionnement. Elle est arrivée au bon moment, puisque peu après, la pandémie nous a obligés à fermer tous nos centres de services pendant plusieurs semaines. »
Cela dit, le DG considère que même si un grand nombre de membres ont adopté cette nouvelle façon de communiquer avec la caisse, son utilisation, présentement par moins de 50 % des membres, pourrait augmenter. « C’est une grande dualité que je vis actuellement, dit-il, entre la qualité de service et le désir de plusieurs de nos employés de faire du télétravail. » Il souligne au passage qu’il existe toujours une demande importante pour des rencontres physiques, particulièrement de la part de membres retraités ou d’un certain âge : « Ils se sentent mieux servis en personne, et je les crois. Le contact en chair et en os a un impact sur la qualité de service. »
À son avis, tout en permettant aux employés de travailler à domicile, il faudra s’assurer que la qualité de service soit toujours au rendez-vous. Et pour que cela fonctionne, il sera nécessaire d’atteindre une qualité d’entrevue virtuelle beaucoup plus élevée. « On travaille beaucoup là-dessus, notamment sur le vocabulaire. » Selon lui, parler d’une entrevue virtuelle à une personne âgée, ça fait peur. Il faudrait donc éviter d’employer des expressions comme celle-là. Le contact devrait se faire naturellement et avec tact, en se mettant à la place du membre. Les employés jouent donc un rôle pédagogique afin que les rencontres soient intégrées dans les habitudes. Le fait de se voir — en plus de se parler — a facilité cette intégration.
Le monde change
Il y a deux ou trois ans à peine, toute fermeture d’un centre de services de caisse Desjardins pouvait provoquer un tollé. Depuis, le monde a changé. Les attentes et habitudes des consommateurs ont évolué. La pandémie et le confinement généralisé ont favorisé un apprentissage rapide des rencontres à distance. Heureusement, Charles Massicotte-Bourbeau et toute son équipe étaient prêts.
Qui est Charles Massicotte-Bourbeau ?
Charles Massicotte-Bourbeau occupe le poste de directeur général à la Caisse Desjardins de Mékinac-Des Chenaux depuis janvier 2019. Originaire de Champlain, il est au service du Mouvement depuis plus d’une quinzaine d’années, dont trois à la direction générale de la Caisse du Sud des Chenaux, l’une des quatre dont le regroupement, en 2017, a donné naissance à la Caisse de Mékinac-Des Chenaux. Il compte plusieurs années d’expérience en développement des affaires et en gestion.