Édition #69

Mars 2025

Annick Trépanier

Qu’est-ce que ce fameux courage managérial ? Il se décline simplement à travers quatre types de courage qui permettent d’agir et d’exercer son leadership au quotidien et dans ses fonctions.

Débutons avec la posture de gestion qui exige de se retrousser les manches ! Le premier type de courage est celui d’entreprendre et de faire face à l’incertitude. Derrière ce courage dentreprendre, il y a bien sûr une préparation préalable, un plan d’action. Nous ne parlons donc pas de témérité, mais soyons honnêtes, les choses se passent rarement exactement comme sur le plan. Cette énergie courageuse permet de se lancer et de se commettre malgré les doutes. Plus fort que l’engagement, qui reste parfois au niveau verbal, se commettre se démarque par l’action et l’audace. « Pour ce faire, une condition importante est de se permettre le droit à l’erreur ; la clé pour entreprendre est de se donner le droit de se tromper », affirme Pierre Lavoie, athlète spécialiste de l’Ironman et conférencier à l’Institut de leadership. La peur de l’échec est paralysante. Il faut donc valoriser l’apprentissage, l’évolution et l’expérience dans le processus.

Voici sa définition de l’audace : « Un mélange de courage et d’intelligence ». L’intelligence est importante puisqu’elle permet de bien évaluer les risques, chercher les données pertinentes et utiliser les outils. Pierre Lavoie n’est pas téméraire, il brave les habitudes ! En ce sens, dans une culture de courage, il est essentiel de valoriser le doute. Plus les gestionnaires se permettent de douter, plus ils prennent des décisions avec confiance et plus ils les communiqueront avec conviction.

Si vous avez fait du vélo avec Pierre Lavoie, cofondateur du Grand Défi portant son nom, vous l’avez certainement entendu répéter que « linconfort rend plus fort ! ». Pour développer le courage de persévérer, cet acte de volonté renouvelé, il faut s’entraîner dans toutes les conditions météo, comme le suggère l’athlète : « Mon cerveau n’est pas conditionné au beau temps, comme ceux qui sortent seulement dans les conditions gagnantes. Mon cerveau est conditionné pour y aller même sous la pluie ! ». Identique pour le circuit neurobiologique du courage, ce muscle se développe et s’entraîne. Plus il est exercé, plus fluide et efficiente sera son activation. Le courage de persévérer est probablement le moins valorisé de tous. Il s’exerce souvent dans la discrétion et la poursuite d’un processus long et sinueux. Soyez donc prêts et entraînés : multipliez l’exposition à faire face à l’incertitude ! Dans les moments difficiles, lorsqu’il faut « y aller », le courage de continuer à faire vous permettra de garder le cap, de diriger dans l’ambiguïté et de vous exposer avec motivation.

Poursuivons avec le courage daméliorer qui, lui, prend naissance grâce à une bonne dose d’humilité : la reconnaissance qu’on peut « faire mieux ». Il permet donc de changer la recette connue, d’y ajouter des ingrédients inhabituels, d’acquérir de nouvelles connaissances et surtout de bousculer le statu quo. Améliorer nécessite de se comparer aux meilleurs et de se démarquer des autres en sortant des sentiers battus. Dans cette grande vélocité de changement, le processus d’amélioration doit être agile, intégré et audacieux. Le courage s’exerce hors de sa zone de confort. Apprenez à dépasser vos limites, à explorer, à faire autrement, et vous pourriez être étonné de l’adaptabilité dont vous et votre équipe faites preuve. 

Le dernier et non le moindre, le courage de renoncer est souvent reconnu comme le plus difficile ! Cesser de faire, dire non, se départir… semble moins populaire dans le cadre des fonctions professionnelles. Ce type de courage émotionnel réfère à la vulnérabilité. Ce qui rallie la majorité des leaders est sans aucun doute la passion, le dévouement et le cœur consacré à la « réussite » des projets. Le courage de renoncer semble même en dichotomie avec le courage de persévérer, et c’est certainement ce qui explique que nous sommes peu enclins à lui accorder les notes de noblesse auxquelles il devrait avoir droit. Et c’est là que le bât blesse, puisque le courage de renoncer assure la pérennité et même la survie de l’organisation. Il permet de s’arrêter lorsqu’on n’arrive pas à l’objectif malgré le temps et l’argent investi, de voir la réalité telle quelle est et non comme on voudrait quelle le soit. Il ne doit pas être qualifié d’échec. Ce courage ajoute un enjeu communicationnel puisqu’il exige une exposition aux autres et le devoir d’assumer cette décision souvent impopulaire.

Alors, persévérer ou renoncer ?

Pierre Lavoie, lui, dit s’être bien entouré pour s’assurer d’une certaine rationalité afin de répondre à cette question lorsqu’elle se pose. Selon l’expérience vécue lors de l’accompagnement de nombreux gestionnaires, cette objectivité est essentielle : dressez la liste de tout ce que vous avez fait depuis quelques semaines, quelques mois, voire des années. Vous verrez que la persévérance a été poussée à la limite. Sachez aussi faire appel à un collègue ou à une personne extérieure. Souvent non impliquée émotionnellement, cette personne saura amener un regard plus neutre dans cette démarche.

Puisque l’ingrédient essentiel est la peur et qu’elle sera confrontée dans l’activation de tous ces types de courage : celui d’entreprendre, de persévérer, d’améliorer et de renoncer, apprenez à l’identifier, à l’exprimer et surtout à la valoriser. Dans l’exercice de votre rôle, s’il y a des responsabilités et des décisions à prendre, la peur, l’incertitude et le doute font partie intégrante de votre réalité et doivent être davantage normalisés. Pour agir, il faut assumer la prise de risque relative. La paralysie guette ceux qui ne reconnaissent pas la peur. On doit parler de cette donnée importante pour activer son courage managérial !

Cet article est inspiré d’une discussion sur le courage avec Pierre Lavoie, conférencier à l’Institut de leadership en gestion.

Annick Trépanier M.Sc. Diriger avec courage, manager avec le cœur. Formatrice à l’Institut de leadership en gestion depuis 2018. Consultante, conférencière et formatrice internationale, elle parle avec conviction de l’importance d’exercer son leadership avec courage managérial et de développer la culture de courage et de résilience au sein de son organisation.

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