
Covid-19 : crédit, épargne, assurances, consommation…
François Pratte
En juillet, nous avons invité à notre table virtuelle deux experts afin de savoir si la crise sanitaire avait eu un impact sur la culture financière des Québécois, particulièrement en ce qui a trait au crédit, à l’épargne, aux produits d’assurance et à la consommation. Nathalie Bachand, présidente de l’organisme ÉducÉpargne, ainsi que Philippe d’Astous, chercheur et professeur adjoint au département de finance à HEC Montréal, ont accepté avec plaisir de nous apporter leur éclairage sur le sujet. Voici un compte rendu de la rencontre à laquelle ont aussi participé, au nom de l’ADGC, Karine Oscarson et François Pratte.

Les résultats du sondage mené par SOM pour ÉducÉpargne, début juin, ont servi de point de départ pour la discussion (voir l’encadré à la dernière page). À la question de la préparation financière des Québécois si une autre crise majeure survenait d’ici cinq ans, par exemple, 46 % des répondants ont affirmé qu’ils seraient mieux préparés, 48 %, aussi bien préparés, et 6 %, moins bien préparés. On y lit aussi qu’en ce qui a trait à la préparation à la retraite, 30 % estimaient que la crise aurait beaucoup ou assez d’impact alors que 70 % pensaient qu’elle aurait peu ou pas d’impact du tout.
Surprise par les résultats de l’enquête, qui s’est déroulée plus de deux mois après le début du confinement, Nathalie Bachand s’attendait à ce que plus de gens se trouvent en difficulté financière : « Notre appréhension était peut-être due aux histoires d’horreur que nous rapportaient les médias jour après jour. » Elle constate par ailleurs que l’étude réalisée en collaboration avec le CIRANO (voir l’autre encadré), à laquelle a participé Philippe d’Astous, arrive à une conclusion similaire : les Québécois, en général, se sont assez bien tirés d’affaire.
Cela dit, les personnes qui jouissent d’un bon revenu n’ont pas le même comportement que celles qui vivent une situation plus précaire. Elle en convient, mais lorsqu’elle a analysé le détail des résultats de l’enquête réalisée par SOM pour ÉducÉpargne, elle a constaté que même si une plus grande proportion de personnes à faible revenu ont été touchées par la crise sanitaire, les gens, de façon générale, ont été plus prudents, sans égard à leurs revenus ou à leur niveau d’éducation.
L’impact de la PCU
Les résultats obtenus par l’étude de l’équipe de Philippe d’Astous sont comparables avec ceux d’ÉducÉpargne : « Bien sûr, certains ont été touchés fortement par la pandémie, dit-il, mais nous avons, nous aussi, été agréablement surpris de voir qu’en général, les gens ont bien réussi à lisser la consommation. Nous pensons que la PCU [Prestation canadienne d’urgence] a aidé, et que le fait, pour certaines personnes, d’avoir eu la possibilité de travailler à la maison les a aidées de façon substantielle. »
Il souligne toutefois que certains groupes de la population ont été plus touchés, tels les travailleurs à faible revenu qui ne pouvaient faire du télétravail en raison de la nature de leur emploi, et qui, de plus, ne possédaient aucune épargne. Ceux-là étaient franchement dans le pétrin, et la PCU leur a été d’un grand secours.
Nathalie Bachand enchaîne : « Dans certains secteurs d’activité, la majorité des employés ne pouvaient pas travailler à domicile. Je pense, par exemple, aux bars, aux restaurants et aux commerces de détail, qui emploient souvent des gens qui ont les plus faibles revenus. » En fait, le télétravail, selon elle, a complètement changé la donne, et ses conséquences se feront sentir à long terme. Nombreux, croit-elle, seront ceux qui continueront de travailler à domicile après le déconfinement : « Toutes les entreprises de services, là où les employés reçoivent généralement des rémunérations un peu plus élevées, ont pu continuer leurs opérations pendant la pandémie. La possibilité de faire du télétravail a tout changé. Si cette crise avait eu lieu il y a dix ou quinze ans, on n’aurait pas assisté aux mêmes conclusions économiques. »
On imagine mal, en effet, comment on aurait pu faire du télétravail en l’absence des outils de communication nés au cours des dernières années grâce à l’internet haute vitesse et à la capacité accrue des bandes passantes. « Les gens qui se sont vus obligés de travailler à la maison, dit-elle, ont réduit leurs dépenses par prudence, simplement parce qu’ils ne pouvaient plus sortir. »
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Un optimisme relatif
Tant dans le sondage d’ÉducÉpargne/SOM que dans l’étude faite avec le soutien financier du CIRANO, les répondants se sont fait demander comment ils se sentaient après quelques mois de confinement et comment ils entrevoyaient l’avenir à court ou à moyen terme. Ils se sont montrés relativement optimistes, mais jusqu’à quel point les institutions financières, par exemple, peuvent-elles se baser sur ces données pour faire des projections ou émettre des hypothèses pour les trois ou quatre prochaines années ?
Philippe d’Astous constate que les ménages qui ont subi une perte d’emploi et qui possédaient peu d’épargne pour stabiliser leur consommation — en plus d’être endettés — sont les moins enclins à croire à un retour en force de l’économie : « Lorsqu’on leur demande si, selon eux, les choses reviendront à la normale ou s’ils retrouveront leur emploi après la pandémie, ils sont généralement les plus pessimistes. »
Toutefois, à l’autre extrémité du spectre, il y a ceux et celles qui n’ont pas perdu leur emploi et qui ont continué de consommer plutôt normalement, dans les limites imposées par le confinement. Ceux-là, à son avis, sont beaucoup plus optimistes, tant en ce qui a trait à la rapidité de la reprise économique qu’à la possibilité de retourner au travail à courte échéance. Leur situation actuelle, dit-il, influe sur leur anticipation.
Une économie « en pause » ?
Pourrait-on dire que l’économie était simplement en pause, comme on l’a parfois entendu au plus fort de la crise ? Selon Philippe, environ 20 % des gens ont perdu leur emploi. « Si on dit qu’environ 75 % de la population travaille activement, cette proportion serait tombée à 55 % dans les mois d’avril et de mai. » Il ajoute que plus de femmes (23 %) que d’hommes (17 %) ont perdu leur emploi, mais la proportion est grande de part et d’autre : à son avis, une personne sur cinq au chômage, même si la perte d’emploi est temporaire, ralentit l’économie de manière marquée.
En ce qui concerne l’avenir, Nathalie, comme tous les experts de la planète, n’ose pas énoncer de certitudes absolues. Elles n’existent pas. « Lorsque la majorité des gens retourneront au travail, dit-elle, on ne sait pas s’il y aura une deuxième vague, si on devra être reconfinés, si on devra refermer des entreprises. On ne sait pas s’il y aura un vaccin, ou quand il y en aura un. On ne sait pas quel impact aura la pandémie sur les finances publiques et les impôts. Il y a beaucoup d’inconnues. »
Sensibiliser les gens à traverser les tempêtes en se construisant une solidité financière est la mission première de l’organisme ÉducÉpargne. L’ouragan que nous avons tous eu à affronter depuis la fin de l’hiver, toutefois, était imprévisible et incomparable. Dès le début du confinement au mois de mars, Nathalie Bachand a reçu de nombreux appels de gens qui lui disaient « ça va durer trois semaines », mais on connaît la suite. Plusieurs mois après le début de la pandémie et après un certain déconfinement, elle a l’impression qu’une partie de la population continue d’attendre. Ils ont mis des projets sur pause.
Des projets, il y en a une multitude et une grande variété au sein de la population, que ce soit des voyages, des rénovations ou des sorties, petites et grandes. Et ce ne sont que quelques exemples. Tout cela, en s’additionnant, a un impact sur l’économie. Les gens dépensent moins, mais surtout, semble-t-il, dépensent différemment. De plus, les projets à long terme peuvent changer. Nathalie : « Des gens qui prévoyaient de prendre leur retraite dans cinq ans ou qui avaient l’intention de se lancer dans un grand projet dans deux ans vont peut-être attendre et reporter leur décision. Tout le monde est un peu sur pause. »
À son avis, compte tenu du grand nombre d’incertitudes dans lesquelles nous a plongés la Covid-19, toutes les réponses données aux questions sur l’avenir devront être prises avec un grain de sel en matière d’économie, y compris celles fournies par les experts. En l’entendant, nous ne pouvons nous empêcher de faire cette analogie : le risque de se tromper en faisant des prévisions météorologiques à long terme est plus élevé que si on se limite à trois ou quatre jours.
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Le gouvernement a-t-il « aplati la courbe » d’une crise économique, comme le confinement aurait « aplati la courbe » de la pandémie ?
Philippe met en relief un phénomène résultant des mesures mises en place par le gouvernement fédéral afin de réduire l’impact du confinement et la fermeture d’un grand nombre d’entreprises : « Quel est l’incitatif à retourner au travail pour les gens qui bénéficient de la PCU ? Plusieurs calculent qu’il est plus payant pour eux de rester à la maison tout en recevant la PCU mensuelle de 2000 dollars que de reprendre leur emploi. Avec nos calculateurs fiscaux, nous avons effectivement constaté que pour plusieurs, il est plus avantageux de jouir de l’aide gouvernementale que de retourner travailler. C’est le cas, entre autres, des étudiants. »
Il ne remet pas en cause la PCU, qu’il considère comme nécessaire, et comprend qu’elle a été octroyée rapidement afin que personne ne se retrouve à la rue, mais à son avis, si on avait à revoir le programme, ou si on était éventuellement confronté à un scénario semblable à celui de mars dernier, les mesures devraient sans doute cibler les personnes qui en ont réellement besoin. Il lui semble un peu absurde que la PCU soit devenue un frein au retour au travail.
Karine Oscarson souligne au passage que les membres de l’ADGC s’interrogent beaucoup sur la culture financière des Québécois, particulièrement en ce qui a trait au crédit, à l’épargne, aux produits d’assurance et à la consommation. Certains d’entre eux ont constaté, par exemple, que des personnes dont les revenus sont importants ont tout de même fait des demandes de PCU. La réduction de leurs revenus n’a pas été catastrophique, mais comme ils avaient depuis longtemps l’habitude de dépenser beaucoup, ils jugeaient pertinent de demander de l’aide gouvernementale afin de maintenir leur train de vie. Autrement dit, la crise ne semble pas avoir modifié leur « culture financière », tout simplement parce qu’ils n’en ont pas subi les mêmes conséquences que celles subies par les moins bien nantis.
Commentaire de Philippe : « Les premières semaines suivant l’annonce de la PCU, j’ai fait souvent référence à l’Australie qui a essentiellement dit à sa population : “Nous ne verserons pas de PCU, mais vous pourrez retirer de l’argent de vos REER sans payer d’impôt, sans vous soumettre à certaines règles contraignantes qui les régissent.”. Un programme un peu comparable au RAP, si vous voulez. Or, ici, ce qu’on voit, c’est que plusieurs personnes ont touché la PCU alors qu’elles avaient déjà de l’épargne REER, de l’épargne CELI. »
Lui et ses collègues ont d’ailleurs posé la question suivante aux répondants : « Si le gouvernement vous autorisait à retirer jusqu’à 10 000 $ de votre REER sans impôts ni pénalité, combien retireriez-vous en 2020 en plus des montants que vous pourriez avoir déjà retirés jusqu’à présent ? » La réponse : 8 000 dollars en moyenne. Il ajoute : « Quand on fait des calculs fiscaux en incluant les revenus tirés de la PCU et des impôts qu’ils auront à payer sur la prestation reçue, on se rend compte qu’au final, les gens auraient été aussi avantagés à retirer de l’argent de leur REER. » Il ajoute en souriant qu’une mesure semblable aurait toutefois été moins « sexy » que la PCU. Selon Nathalie, le retrait des sommes de leur REER serait tout de même moins rentable pour les individus qui perdraient ainsi une partie de leurs épargnes pour leur futur. À son avis, pour les gens qui répondaient aux critères de la PCU, la question ne se posait pas : « Je comprends très bien pourquoi ils ont préféré en faire la demande plutôt que de puiser dans leurs fonds de retraite. En interdisant l’accès à la PCU aux personnes possédant des REER, le gouvernement les aurait pénalisées pour avoir prévu le coup. »
En termes de revenu, qui a bénéficié de la PCU ?
« (…) On peut observer qu’un peu plus de 10 % des répondants dans le premier décile ont affirmé recevoir la PCU. Si l’on met de côté ce premier décile, on remarque que la PCU a été principalement touchée par des individus avec des revenus de travail plus faible. Plus du tiers des travailleurs dans le deuxième décile des revenus de travail en 2019 ont affirmé avoir reçu la PCU en mai. Parmi les gens ayant perdu un emploi en avril, mais se trouvant dans ce deuxième décile, la proportion est de 49,4 %. Ainsi la PCU a été d’une grande aide dans ce groupe. Le deuxième fait marquant (…) est que même parmi ceux dans le haut de la distribution des revenus de travail individuel, une proportion de plus de 10 % des répondants recevait la PCU. »
— Extrait de Portrait des ménages ayant reçu la Prestation canadienne d’urgence et pistes de réflexion. Philippe d’Astous et collab., juin 2020.
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La crise aura-t-elle une influence sur les comportements ?
La discussion, qui risquait de déborder du thème de la table ronde, a été ramenée à la question clé de l’ADGC : la crise aura-t-elle une influence sur les comportements ou approches de tout un chacun en matière de crédit, d’épargne, d’assurance et de consommation en général ?
Nathalie : « Les gens nous disent qu’ils seront mieux préparés à faire face à la prochaine crise. J’ose espérer, aussi, que le fonds d’urgence aura eu un effet sur eux. Par ailleurs, le gouvernement a versé une aide si rapidement que certains pourraient être tentés de croire que si une autre crise survient, ils pourront encore compter sur lui. C’est donc toujours la notion de “se prendre en charge” ou de “se fier au gouvernement”. On risque d’assister à un comportement ancré sur l’attente d’une aide extérieure. Dans cette perspective, je ne suis pas si sûre que le résultat du sondage d’ÉducÉpargne/SOM, qui présente une certaine confiance de la population, reflète si bien la réalité que nous vivrons dans quelques mois. »
Conséquences sur l’économie
Bien entendu, plus les gens épargnent, moins ils dépensent, et l’argent dort dans les institutions financières. Cela a un impact sur l’économie elle-même, sur les commerces, les entreprises de biens ou de services, les industries en général. Comment le calculer en ce moment, alors que nous vivons encore beaucoup d’incertitude ?
Selon le sondage d’ÉducÉpargne/SOM, une fois la crise derrière eux, 25 % des répondants comptaient épargner davantage, 63 % pensaient épargner autant et seulement 12 % songeaient à épargner moins.
Philippe : « Il ne faut pas oublier que les gens ont eu la possibilité de reporter des paiements de leurs dettes, et que jusqu’à une personne sur cinq en a profité. Dans nos statistiques, nous avons aussi noté que 13 % des propriétaires de maisons ont demandé un report de paiement. Ces reports étaient une autre façon de pallier les problèmes à court terme. Et comme Nathalie le dit, ils pourraient s’ancrer dans nos mémoires, et s’il y a une prochaine fois, les gens croiront peut-être que ce sera de nouveau possible de reporter leurs paiements. »
Quelles sont les conséquences de reports aussi massifs pour les institutions financières ? Selon Philippe, c’est à coût nul, puisque les intérêts continuent d’être calculés. « Pour elles, ce n’est pas un manque à gagner sur le long terme, bien que sur le court terme, si des institutions ont des problèmes de liquidité, ils pourraient devenir importants. Mais de mon point de vue, la solution du report m’a semblé intéressante et “gagnante-gagnante”. »
Nathalie abonde dans le même sens, en soulignant que les gens n’ont pas fait d’économies en reportant leurs paiements, mais ont simplement pelleté leurs obligations par en avant.
Des faillites ?
Malgré toutes les mesures d’aide financière des gouvernements, nos experts croient-ils que le nombre de faillites personnelles risque d’augmenter de manière notable au cours des prochains mois ?
Philippe craint davantage les conséquences de la pandémie sur les entreprises elles-mêmes et, par ricochet, sur les emplois. Les compagnies aériennes en sont un bon exemple, ainsi que toutes les entreprises liées à l’industrie touristique. « Ce qu’on entend souvent, dit-il, c’est que les compagnies dites “zombies” seront fortement ébranlées. Avant la pandémie, plusieurs d’entre elles ne faisaient pas de profits, mais survivaient parce que l’économie allait bien et qu’elles avaient un peu de chance. Aujourd’hui toutefois, elles risquent de tomber les premières. »
Nathalie : « Comme on a été confinés à la maison, l’avantage de cette crise est de nous avoir obligés à réduire nos dépenses. Et cet impact est plus important chez les plus fortunés, parce que chez les moins fortunés, un gros pourcentage des revenus sert à couvrir les frais fixes. Une bonne partie de ce qui est en surplus — l’argent qui permet, par exemple, d’aller au restaurant, dans les bars ou les théâtres, ou de se procurer une partie de ses vêtements — n’a pas été dépensée pendant le confinement. Si la facture d’épicerie a augmenté, le reste a baissé drastiquement. »
« Effectivement, on l’a constaté en étudiant nos chiffres, nous dit Philippe. L’épicerie augmente, les restaurants diminuent. Pareil pour les transports, pour les gens qui travaillent à la maison. En moyenne, on a observé une réduction des dépenses de 5 % en avril, en se basant sur les réponses de notre enquête. Ça ne semble pas énorme quand on met tout ensemble, mais ça demeure substantiel. »
La question demeure : le choix des dépenses, même s’il a été commandé par les circonstances, deviendra-t-il permanent, s’inscrira-t-il dans une nouvelle culture de consommation ? Les gens auront-ils pris goût à une certaine frugalité ? Réduiront-ils la fréquence de leurs visites au restaurant pour les remplacer par l’achat au comptoir de plats pour emporter, par exemple ?
Personne n’a de boule de cristal, mais Philippe croit que les gens continueront de dépenser et de vouloir se faire plaisir, même si c’est différemment. Pour les vacances, les régions touristiques du Québec, telle la Gaspésie, deviendront peut-être des destinations de choix.
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Le télétravail : l’avenir ?
La question du télétravail revient à plusieurs reprises au cours de la discussion. Elle est incontournable, car de plus en plus de gens croient qu’une proportion — importante ? — de personnes que la pandémie a forcées à travailler à domicile ne retourneront pas au bureau, ou si « oui », pas à temps plein. Les conséquences probables seront multiples et toucheront certainement plusieurs secteurs de l’activité économique. Nathalie, par exemple, met en relief l’effet domino possible entraîné par le moins grand nombre d’heures qui seront consacrées aux déplacements, ce qui se traduira peut-être par plus de temps pour la vie familiale et personnelle. Le rituel « métro-boulot-dodo » sera-t-il donc remplacé par « vie familiale-boulot-dodo » ?
En ce qui concerne le télétravail comme nouveau mode de vie, avec la réduction notable des déplacements quotidiens vers et en provenance du lieu de travail, il pourrait avoir un impact sur les institutions financières comme Desjardins, croit Nathalie, parce que l’achat d’une propriété à l’extérieur des grands centres sera plus envisageable. Nos caisses assisteront-elles à une hausse des demandes de prêts hypothécaires ?
Selon Philippe d’Astous, il faudra porter une attention particulière, ces prochains mois ou même ces prochaines années, à un certain groupe au sein de la population : les travailleurs plus âgés. « Ces personnes sont les plus à risque, dit-il, car elles ont le plus grand potentiel de partir à la retraite de façon un peu précoce en raison de la pandémie. Elles vont aussi évoluer dans un environnement avec un taux d’intérêt faible, ce qui aura un impact sur leurs revenus de retraite. En plus de conseils financiers, elles auront donc besoin qu’on les épaule, qu’on les écoute et qu’on s’assure de leur trouver des solutions adaptées à leur situation. Elles n’ont pas toujours une littératie financière très élevée. »
Nathalie Bachand en est elle-même convaincue : « Les conseillers et planificateurs financiers auront un rôle important à jouer pour aider les gens, particulièrement dans le contexte d’un taux de chômage qui risque de demeurer élevé durant un certain temps. »
Conclusion
Bien que nous aurions aimé conclure sur des certitudes, la prudence est de mise, tant en ce qui a trait aux prévisions à long terme qu’en ce qui concerne les budgets des familles. Ce que cette table ronde nous a démontré, c’est que, comme le chantait Jean Gabin, « je sais qu’on ne sait jamais ». En tout cas, nous savons aujourd’hui que nous en savons moins que demain. Nous avons toutefois quelques raisons de faire preuve d’un peu d’optimisme, car la population s’est plutôt bien sortie, jusqu’à présent, d’une situation ayant pris par surprise de nombreux travailleurs. Nul n’avait prévu la pandémie, mais certains s’étaient tout de même préparés financièrement à faire face à toute crise éventuelle.
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L’enquête : l’impact de la Covid-19 sur les finances des ménages
« Le CIRANO nous a aidés financièrement à produire l’enquête qui nous a permis de rédiger un papier académique qui a ensuite été présenté et accepté par le journal Canadian Public Policy/Analyse de politiques. » — Philippe d’Astous
Le texte paraîtra dans le numéro spécial d’octobre 2020 consacré à la Covid-19. Notons qu’avant d’être accepté par le journal, il a fait l’objet d’un examen par des pairs.
Son titre : The Early Impact of the COVID-19 Pandemic on Household Finances. Ses auteurs : Bertrand Achou, David Boisclair, Philippe d’Astous, Raquel Fonseca, Franca Glenzer et Pierre-Carl Michaud.
Pour en savoir plus :
Special issue: The COVID-19 Pandemic III (octobre 2020)
En voici un extrait (notre traduction) :
« Notre étude confirme les conclusions précédentes selon lesquelles de nombreuses personnes ont perdu leur emploi (22 %) ou réduit leur temps de travail (-6,3 %) en raison de la pandémie, ce qui a entraîné une perte de revenus substantielle pour de nombreux ménages. Dans l’ensemble, 30 % des ménages de notre échantillon ont connu un changement de situation professionnelle d’au moins un membre du ménage, et la perte moyenne de revenu mensuel pour tous les ménages interrogés, y compris les répondants célibataires et en couple, est de 810 dollars. »
Deux publications appartenant à la série Enquête sur les finances personnelles en temps de pandémie, auxquelles a participé Philippe d’Astous, peuvent être consultées sur le site du CIRANO :
Partie 1 : Effets de la pandémie sur les finances personnelles : Un premier coup d’œil
Partie 2 : Portrait des ménages ayant reçu la Prestation canadienne d’urgence et pistes de réflexion
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Nathalie Bachand — Présidente, ÉducÉpargne
Actuaire de formation et planificatrice financière, Nathalie Bachand est spécialisée dans la préparation de dossiers de planification financière, dans la mise en place et l’administration de Régimes de retraite individuels (RRI), ainsi que dans la conception et l’animation de cours en planification financière. Fondatrice de Bachand Lafleur, groupe conseil inc., elle est la présidente d’ÉducÉpargne depuis juin 2016. Elle a aussi été présidente du conseil d’administration de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) de juin 2014 à juin 2016. Elle est la coauteure du livre Ma Retraite, 3e édition, publié aux Éditions Logiques.
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Philippe d’Astous — Professeur adjoint, département de finance, HEC Montréal
Détenteur d’un baccalauréat en administration des affaires de l’Université de Sherbrooke et d’une maîtrise en finance de l’Université de Montréal (HEC Montréal), Philippe d’Astous a poursuivi ses études pendant cinq ans au J. Mack Robinson College of Business de la Georgia State University, où il a obtenu son doctorat en gestion des risques et assurance. Il s’est joint au corps professoral de HEC Montréal en juin 2016. Il est le coauteur de plusieurs publications scientifiques, dont une série consacrée aux finances personnelles en temps de pandémie, qui a bénéficié du soutien financier du CIRANO.