Édition #69

Mars 2025

Jean-Pierre Cantin, [email protected]

Avons-nous encore le loisir de prendre autant de temps pour des questions, si importantes soient-elles ? Nous sommes en train de vivre des changements importants dus à des bouleversements externes, tant dans la société que dans l’industrie financière. Des exemples : la gestion des données (Big Data), le système bancaire ouvert, les règles de l’AMF, l’évolution rapide de l’industrie, de la distribution, etc.

En avril dernier, alors qu’on était encore au début de la pandémie, Boucar Diouf, que nous avions d’ailleurs invité à notre congrès (septembre 2016), avait employé une image frappante pour décrire les mesures prises dans l’urgence par les gouvernements: « avec la COVID-19, les scientifiques construisent un parachute pendant que le monde est en chute libre ».1 C’était dans sa chronique hebdomadaire publiée dans La Presse. Je me permets d’emprunter cette métaphore de Boucar.

Nous sommes tournés sur nous-mêmes, sur les méthodes ou approches que nous devrions adopter dans nos opérations, à juste titre. Mais la priorité qui saute aux yeux des membres de l’ADGC est celle-ci : afin d’affronter la situation de manière optimale, nous devons être plus efficaces dans nos communications entre nous, dans la façon de nous parler, de nous concerter, de décider rapidement. Car nous aussi, nous devons parfois construire des parachutes !

Les règles du jeu changent très vite et notre environnement aussi. Ces changements affectent non seulement nos caisses et leurs membres, mais tout le Mouvement. Surtout, nous avons besoin d’avoir une compréhension commune des enjeux afin d’appliquer correctement les solutions. Il en va de notre pérennité à titre de plus grand et solide groupe financier coopératif au Canada.

Pour ne pas être fragile, Desjardins doit être agile.

En d’autres mots, il ne faut pas fragiliser nos organisations. Comment ? En reconnaissant la force et la différenciation stratégique particulière qu’elles possèdent grâce à leur autonomie d’action dans leurs communautés. Elles portent en elles à la fois la puissance du Tout-Desjardins et le pouvoir d’agir localement en fonction des besoins distincts de leurs clientèles respectives. « Pour vraiment se démarquer et être parmi les meilleurs en 2020, il faut maîtriser l’art d’équilibrer les grandes orientations de l’organisation et les actions locales. Tout le défi réside donc dans le choix entre l’ensemble et le particulier. » C’est ce que j’écrivais en octobre dernier, et j’ose le répéter aujourd’hui, car c’est la grande force de Desjardins.

Une question qui revient constamment est celle-ci : « Caisse ou Fédé ? ». Ou : « On centralise ceci un peu, ou beaucoup ? ». La réponse est simple : l’un et l’autre.  Nous sommes dans la même équipe, pas en opposition. Il faut juste réinventer une façon de collaborer beaucoup plus efficacement afin d’ajuster le tir constamment au bénéfice de nos membres. Que la Fédération continue de se charger de la partie centralisée, des centres d’appels, du CSP et du développement des outils numériques, et que le volet de l’expérience client, basé sur des conseils avec un plan sur mesure avec nos membres, demeure la responsabilité des caisses et des unités du Mouvement. C’est leur mission même que de maintenir et d’entretenir un contact humain avec nos millions de membres et clients.

L’avantage stratégique de Desjardins, c’est la coopération, mais pas seulement dans sa forme juridique distincte et son FADM. Il doit aussi se refléter dans notre capacité à coopérer entre nous beaucoup mieux que les banques le font entre leurs succursales, leurs unités d’affaires et leurs filiales. Cette coopération se doit d’être l’avantage concurrentiel spécifique à Desjardins, une carte maîtresse qui lui permet de se distinguer des banques.

Or, coopérer mieux, ça voudra peut-être dire profiter des forums de concertation pour prendre des décisions importantes 4 fois par année afin d’alléger les gros congrès aux 3-4 ans. Ou utiliser encore mieux les groupes de discussion pour réfléchir sur l’évolution de la cohérence opérationnelle à se doter. Les nouvelles tendances stratégiques ne sont-elles pas justement :

  • Faire plus de petits changements fréquents que de gros changements plus espacés ?
  • Impliquer plus les gens touchés pour plus de pertinences d’application ?

Non, Desjardins n’est pas une institution financière comme les autres, même s’il est peut-être tentant, parfois, pour leur faire concurrence, d’en adopter le modèle d’affaires ou d’en prendre l’apparence. Mais ce ne sera toujours qu’une apparence, justement. Nos membres savent qu’ils sont à la maison chez Desjardins. Ils peuvent même siéger au conseil d’administration de leur caisse et faire entendre leur voix sur ses orientations. Un pouvoir, comme on le sait, que les clients des banques n’ont pas.

1 https://bit.ly/20-04-25_boucar_diouf_immunite_collective

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