Les travailleuses et travailleurs restent de plus en plus longtemps sur le marché du travail, tandis que les milléniaux, suivis de près par les générations Z, y occupent une place grandissante. Résultat : les gestionnaires se trouvent face à des équipes avec des écarts d’âge importants. Cette diversité, souvent perçue comme un défi, constitue pourtant une richesse inestimable – à condition de savoir s’y prendre.
En tant que gestionnaire, comment conjuguer la nécessité d’intégrer les jeunes talents tout en préservant un environnement de travail engageant pour les professionnelles et professionnels des générations précédentes ? Les gestionnaires ont un rôle clé à jouer pour transformer les différences en levier – et réaliser que ce qui nous unit est bien plus fort que ce qui nous distingue.
Comprendre les nouvelles générations : portrait et attentes
Les préjugés sur les nouvelles générations sont tenaces : elles auraient des exigences irréalistes envers leurs employeurs, seraient constamment sur leur téléphone et manqueraient de loyauté. Pourtant, les données démontrent surtout qu’elles aspirent à un emploi aligné sur leurs valeurs, où elles peuvent apprendre, évoluer et contribuer à une mission porteuse de sens.
Selon le rapport 2025 Gen Z and Millenial Survey de Deloitte, la satisfaction au travail de ces générations repose sur trois piliers : l’argent, le sens et le bien-être. Les Y (milléniaux) et les Z veulent participer à quelque chose de plus grand que soi et avoir un impact sur la société.
Leur rapport au travail diffère de celui de leurs aînés : à une époque où la parentalité est repoussée, la carrière occupe une place centrale de l’identité des jeunes adultes. C’est ce qui explique en partie pourquoi la quête de sens dans un poste est si importante pour 89 % des Z et 92 % des milléniaux[1].
L’apprentissage continu fait également partie de leurs priorités, et notamment celui des compétences relationnelles (communication, leadership, empathie, réseautage), essentielles pour s’adapter aux changements. Les jeunes talents recherchent un environnement qui favorise :
- L’apprentissage pratique sur le lieu du travail ;
- Le mentorat ;
- Les programmes d’apprentissage ;
- Le temps alloué au développement des compétences ;
- Les compensations financières pour des opportunités d’apprentissage externes ;
- L’accès à des plateformes d’apprentissage et des abonnements[1].
Ces générations ont en fait plusieurs attentes communes avec leurs collègues des générations précédentes, notamment la flexibilité, la conciliation travail-vie personnelle ainsi que la responsabilité sociale quant aux changements climatiques[2].
Le rapport à l’autorité et la communication
Pour beaucoup de gestionnaires, le rapport à l’autorité est l’une des premières différences constatées. Mais il ne s’agit pas d’un rejet de l’autorité : les jeunes attendent des gestionnaires qu’elles et ils jouent un rôle de coach plutôt que de superviseur traditionnel.
Le leadership d’impact joue un rôle déterminant pour gagner la confiance et l’engagement des plus jeunes, qui cherchent une ou un gestionnaire faisant preuve d’honnêteté, d’écoute, d’attentes claires et créant un environnement agréable[3].
Le fait que ces cohortes aient, dans plusieurs cas, terminé leurs études ou commencé à travailler en mode 100 % virtuel les a également façonnées sur le plan communicationnel. En fait, plusieurs rencontrent des défis au moment de recevoir de la rétroaction ou d’interagir avec leurs collègues[4].
Intégrer les nouvelles générations
Avant d’agir : déconstruire les mythes
Avant d’aborder les stratégies d’intégration, un constat s’impose. Les recherches révèlent un paradoxe : les différences générationnelles au travail sont plus modestes qu’on ne le croit[5]. De plus, un courant émergent suggère plutôt que ces différences reposent davantage sur les stades de carrière et de vie que sur les générations en soi[6].
En fait, ce serait plutôt le fait de croire à ces différences qui les amplifierait. Les stéréotypes peuvent devenir de véritables prophéties autoréalisatrices : ils affectent la façon dont les collègues se perçoivent eux-mêmes et pensent être perçus par les autres. Par exemple, les plus jeunes peuvent avoir le sentiment d’être considérés comme peu engagés, tandis que les plus âgés peuvent penser que les jeunes les jugent dépassés. Cela peut notamment mener à des conflits ou à des comportements d’évitement, entachant la qualité des relations interpersonnelles[7].
Tout changement commence par soi-même ; il importe de déconstruire ses propres préjugés et d’adopter une position d’ouverture envers la personne dans toute son unicité. L’équilibre à trouver : comprendre les tendances générationnelles sans enfermer les individus dans des cases.
Un onboarding immersif et relationnel
Une intégration réussie va bien au-delà des formalités administratives. C’est une étape où le lien de confiance commence à se construire entre l’organisation et la nouvelle recrue. La personnalisation est essentielle : un courriel de bienvenue personnalisé, un emploi du temps détaillé pour la première semaine de travail, la création d’un parcours de formation sur mesure sont de petits gestes qui ont de l’impact. Désigner une mentore ou un mentor ou une ou un buddy (« compagnon d’intégration ») favorise également l’accueil et l’intégration de la personne, qui saura vers qui se tourner pour répondre à ses questions.
L’onboarding devrait être structuré et mettre la personne en valeur pour qu’elle se sente à l’aise dans son environnement.
Rétroaction : remplacer l’annuel par le quotidien
Le modèle d’évaluation annuelle ne correspond plus aux attentes actuelles : il s’agit d’un modèle à la fois anxiogène et chronophage pour les deux parties. Les Z et les milléniaux s’attendent à une communication plus fréquente, à du coaching continu. Les rétroactions se font plus courtes, plus fréquentes et constructives.
La clarté et la communication continue sont les mots d’ordre : l’organisation doit établir des attentes claires et adaptées, puis recueillir les impressions de l’employée ou employé sur les ajustements possibles. On recommande généralement de combiner les discussions informelles au quotidien et de courtes rencontres un peu plus formelles une fois par semaine ou par mois. Ces dernières portent sur les attentes, la charge de travail, les objectifs et les besoins de la recrue[8].
Les jeunes générations apprécient la clarté et la structure : assurez-vous que les attentes sont claires de votre côté et que vous comprenez bien les leurs[9].
Flexibilité et équilibre travail-vie personnelle
La flexibilité est aujourd’hui une attente incontournable. Pour les générations Z et Y, l’équilibre travail-vie personnelle l’emporte largement sur les ambitions hiérarchiques, et elles s’attendent à ce que les gestionnaires en tiennent compte. Ces dernières et derniers doivent donc offrir des conditions favorisant cet équilibre, notamment par le biais d’horaires souples, de télétravail, de semaines condensées ou de journées de congé personnel.
Il est important d’instaurer une culture de confiance, qui reconnaît que la performance ne dépend pas uniquement de la présence physique – et que le bien-être a des bienfaits sur la qualité du travail[10].
Donner du sens : un levier d’engagement
Les générations Y et Z recherchent des organisations où leurs valeurs trouvent écho, et au sein desquelles elles pourront avoir un impact. Dans les institutions financières, les objectifs ne doivent pas uniquement s’exprimer en chiffres.
Les gestionnaires doivent mettre en lumière l’impact social et communautaire des initiatives, ainsi que démontrer la cohésion entre les valeurs environnementales et les pratiques durables de façon transparente. Les caisses, les CDE et les SSD incarnent d’ailleurs un modèle fondé sur la solidarité et l’engagement social, des atouts qu’il ne faut pas hésiter à mettre de l’avant.
Développement des compétences : investir pour retenir
L’apprentissage continu permet à la fois de répondre aux attentes des jeunes générations, de donner un sens au travail et d’augmenter l’engagement et la rétention du personnel, tous âges confondus[11]. Cela est d’autant plus critique avec l’arrivée de l’IA générative et d’autres technologies, et les travailleurs en sont bien conscients.
Misez sur le développement des compétences sous forme de programmes de formation continue, de certifications, mais aussi de microapprentissages. En outre, assurez-vous de présenter des voies claires de progression de carrière à vos employées et employés (plans de développement) pour qu’ils sentent qu’ils ont un objectif et la possibilité de progresser.
Favoriser la cohabitation : transformer des différences en richesse
Miser sur les forces de chaque génération
Chaque génération apporte une perspective du monde et une expérience unique. Cette diversité des vécus apporte des forces qui peuvent être hautement complémentaires dans le milieu de travail. Mais pour parvenir à cette complémentarité productive, chacune et chacun doit se sentir suffisamment valorisé et à l’aise pour partager ses compétences uniques.

Ensemble, les générations présentent des forces combinées qui peuvent être un véritable levier de performance. Amorcer la discussion pour déconstruire les stéréotypes et faire ressortir les forces de chaque personne permet d’activer ce potentiel en montrant à chacune et à chacun l’importance de ses contributions.
Néanmoins, gardez à l’esprit que personne ne souhaite être mis dans une case : les forces générationnelles sont des tendances, mais ne doivent pas devenir des étiquettes effaçant l’individualité.
Une culture inclusive et collaborative
L’ouverture à l’autre sans discrimination est l’un des principes fondateurs des coopératives. La lutte contre l’âgisme constitue un aspect fondamental à inclure dans les politiques d’équité, diversité et inclusion (EDI). Un environnement inclusif passe notamment par :
- Un accès équitable aux opportunités de développement ;
- Une représentation équilibrée des groupes d’âge dans les postes de gestion ;
- La prise en compte de tous les groupes d’âge dans les processus de décision.
Il est important de développer des politiques qui célèbrent la diversité des parcours, sans se concentrer uniquement sur l’âge. L’inclusivité contribue à créer des environnements de travail psychologiquement sécuritaires, ce qui encourage chaque membre à partager ses perspectives, de nouvelles idées ou des positions différentes[1]. Veillez à ce que toutes et tous se sentent à l’aise de nommer leurs lacunes ou défis sans craindre d’être jugés : cela peut être une nouvelle recrue qui ne comprend pas certains processus, mais aussi une personne expérimentée qui a de la difficulté avec une nouvelle technologie, par exemple[2].
Enfin, adaptez la reconnaissance aux préférences individuelles : certaines personnes apprécient les félicitations publiques, d’autres aiment mieux une note privée. De plus, il est important de s’autoformer et de former les gestionnaires sur les biais générationnels – souvent inconscients !
Favoriser le mentorat inversé
Bien que le mentorat traditionnel demeure pertinent, le mentorat inversé a gagné beaucoup d’attention ces dernières années. Cette forme permet aux plus jeunes générations de partager leurs connaissances, notamment sur le plan technologique ou concernant les nouvelles tendances, avec les générations précédentes.
Cette forme de mentorat favorise la cohésion, en plus d’accroître le sentiment d’appartenance des plus jeunes à l’équipe. Il s’agit d’une initiative propice au rapprochement intergénérationnel, ce qui encourage une collaboration fructueuse[3].
Cette approche ne se substitue pas au mentorat traditionnel, mais y est complémentaire. Les employées et employés expérimentés gardent un rôle important à jouer pour partager leur expérience et leur savoir-faire stratégique, en plus d’assurer la conservation des connaissances clés au sein de l’organisation.
Créer des espaces de dialogue intentionnels
Les générations s’expriment différemment, mais ont bien souvent des passions communes, des expériences de vie similaires, des qualités ou des valeurs qui les rassemblent beaucoup plus qu’elles ne les divisent. Pour leur permettre de créer des liens, il est pertinent d’organiser :
- Des cercles intergénérationnels
- Des groupes de travail mixtes
- Des discussions ouvertes sur les styles de travail
- Des événements sociaux
- Des webinaires
En tant que gestionnaires de haut niveau, encouragez les initiatives qui permettent de créer un pont entre les générations.
Adapter les modes de communication
Les différences de communication représentent l’un des principaux défis intergénérationnels : les données montrent, par exemple, que les X préfèrent les appels téléphoniques, alors que les Z aiment s’exprimer avec des émojis[4]. Les styles varient aussi d’une génération à l’autre : certains sont plus directs, d’autres plus relationnels ; certains sont formels, d’autres plus informels.
Les malentendus qui en résultent ne doivent pas être pris à la légère : ils posent un risque d’isolement pouvant nuire à la santé mentale de l’individu et causer des tensions dans l’équipe[5].
Le rôle des gestionnaires est celui d’établir des lignes directrices claires sur les canaux privilégiés selon le contexte (courriel, messagerie instantanée, rencontres), ainsi que sur le délai de réponse attendu. Il s’agit d’ailleurs d’une occasion pertinente pour ouvrir le dialogue sur les préférences de communication de chaque membre.
En tant que gestionnaires, il est judicieux d’anticiper les tensions pour mieux les désamorcer. Identifiez la façon dont les générations sont distribuées dans l’organisation, les départements où les risques sont plus élevés.
Unir les générations vers l’avenir
En tant que directrices et directeurs généraux et directrices et directeurs, nous avons un rôle clé à jouer pour créer des ponts entre les générations. Il faut aujourd’hui tenir compte des différences générationnelles, mais surtout reconnaître les préférences personnelles pour adapter son approche.
Alors que les institutions financières se préparent pour le monde bancaire de demain, elles doivent pouvoir compter sur des équipes unies autour d’une mission commune. Toutes les générations, avec leurs perspectives uniques et leurs qualités complémentaires, ont une contribution à apporter. Avec des équipes intergénérationnelles collaboratives, vous profitez d’un avantage stratégique considérable.
Alors que l’intelligence artificielle redéfinit les métiers, les institutions coopératives ont l’occasion de mettre leur atout de l’avant : celui d’un modèle où l’humain est au centre de l’objectif. Nos organisations rappellent que la finance n’est pas qu’une affaire de chiffres : c’est aussi une histoire de liens, de confiance et d’inclusivité.
Unir les générations, c’est unir le monde d’hier, le monde d’aujourd’hui et celui de demain autour d’une vision commune durable et porteuse de sens.
[1] Ibid.
[2] HEC Montréal. (2024). Génération Z et monde du travail : la révolution est-elle inévitable ? École des dirigeants HEC Montréal. https://ecole-dirigeants.hec.ca/blogs/actualites/generation-z-et-monde-du-travail-la-revolution-est-elle-inevitable
[3] Léger. (2022). Étude Jeunesse 2023 : génération Z et milléniaux. Léger 360. https://leger360.com/wp-content/uploads/2024/02/Rapport-Etude-Jeunesse-imaginee-par-Leger-2023.pdf
[4] HEC Montréal, op. cit.
[5] King, E., Finkelstein, L., Thomas, C., & Corrington, A. R. (2019). Generational differences at work are small. Thinking they’re big affects our behavior. Harvard Business Review. https://hbr.org/2019/08/generational-differences-at-work-are-small-thinking-theyre-big-affects-our-behavior
[6] Dufour, M.-E. (2022). Comment travailler ensemble? Défis de l’intergénération (2019), Henri Savall et Véronique Zardet (sous la dir.), Paris, Éditions EMS, 426p. ISBN : 978-2-37687-327-3. Relations industrielles / Industrial Relations, 77(3). https://doi.org/10.7202/1094217ar
[7] King, E., Finkelstein, L., Thomas, C., & Corrington, A. R., op. cit.
[8] SHRM Foundation. (2017). Executive summary: 2017 Thought Leaders Solutions Forum – Harnessing the power of a multigenerational workforce. Society for Human Resource Management. https://www.shrm.org/content/dam/en/shrm/foundation/2017%20TL%20Executive%20Summary-FINAL.pdf
[9] Segal, E. (2022). How And Why Managing Gen Z Employees Can Be Challenging For Companies. Forbes. https://www.forbes.com/sites/edwardsegal/2022/03/25/how-and-why-managing-gen-z-employees-can-be-challenging-for-companies/
[10] Adams JM. (2019). The Value of Worker Well-Being. Public Health Rep. 134(6):583-586. https://doi.org/10.1177/0033354919878434 – https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC6832080/
[11] LinkedIn Learning. (2024). Workplace Learning Report 2024. https://learning.linkedin.com/content/dam/me/business/en-us/amp/learning-solutions/images/wlr-2024/LinkedIn-Workplace-Learning-Report-2024.pdf
[1] Hennelly, D. S. et Schurman, B. (2023). Bridging generational divides in your workplace. Harvard Business Review. https://hbr.org/2023/01/bridging-generational-divides-in-your-workplace
[2] Stanchak, J. (2024). A guide to leading an effective multi-generational workforce. SHRM. https://www.shrm.org/enterprise-solutions/insights/guide-to-leading-multi-generational-workforce
[3] Goyer, M. Quand les jeunes guident les anciens. La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/2024-09-10/vie-au-travail/quand-les-jeunes-guident-les-anciens.php
[4] Stanchak, J., op. cit.
[5] Ibid.
[1] Deloitte. (2025). Gen Z and Millennial Survey 2025. https://www.deloitte.com/content/dam/assets-shared/docs/campaigns/2025/2025-genz-millennial-survey.pdf

